Les réseaux sociaux se sont déchaînés contre la présence de l'écrivain au sujet du bac S et ES. «Anatole France? Une station de tram!». On revendique son ignorance et on peste contre l'Éducation nationale.
Incompréhensible! Cette polémique sur Anatole France qui fait tourner la tête aux réseaux sociaux est vraiment incompréhensible. L’écrivain français (1844-1924) figurait au sujet du bac français pour les séries ES et S: «La question de l'homme dans les genres de l'argumentation, du XVIe siècle à nos jours» Se trouvait avec lui, dans le corpus proposé aux lycéens, Victor Hugo, Émile Zola et Paul Eluard. La twittosphère s'est déchaînée. Extraits: «Mais tu es qui toi, Anatole France, pour venir t'incruster au bac?» «Anatole France je croyais c'était un arrêt de tram moi, qu’est-ce que c'est, un écrivain?» «Anatole France jsavais même pas si c'était un homme ou une femme déjà.» Dépassé, ringard, inconnu, sont les adjectifs qui reviennent le plus.
L'un de nos rares Prix Nobel de littérature
Est-ce un signe de notre époque? Désormais, on revendique son ignorance au lieu d'attiser sa curiosité et d'essayer d'en savoir plus. Qui est Anatole France? Tout simplement l'un de nos plus grands écrivains, l'un de nos rares Prix Nobel de littérature, récompense qui lui fut décernée en 1921. Il est entré dans La Pléiade, la plus prestigieuse des collections de littérature, le Panthéon des lettres, avec quatre volumes, ce qui est tout simplement rarissime. Et, surtout, il a touché à tous les genres, poésie, roman, théâtre, avec un talent qui a traversé les années.
François-Anatole Thibault, de son vrai nom, est le fils d'un libraire. Ses parents l'ont élevé dans le culte de la poésie qu'il publie dès son plus jeune âge. Ses premiers romans sont remarqués, et l'on admire déjà son style, notamment dans Le Crime de Sylvestre Bonnard ou Les Désirs de Jean Servien. Il a été élu à l'Académie française dès le premier tour. Autre preuve de son importance: il figure dans tous les dictionnaires des grands auteurs et ceux qui ont contribué à la littérature, notamment L'Encyclopédie de la littérature (La Pochothèque, au Livre de Poche).
Un écrivain engagé pour Dreyfus et pour la laïcité
Peut-être souffre-t-il (comme d'autres auteurs classiques) d'une image désuète et d'un certain classicisme. D'ailleurs, les fougueux Surréalistes n'ont cessé de le critiquer déjà à leur époque. Et, pourtant, en plus de son apport inestimable à la littérature, l'homme a pris parti dans les luttes politiques qui ont divisé la France à la fin du XIXe siècle et au commencement du XXe siècle ; il a publié des articles dans les journaux et prononcé des discours à l'occasion de ces événements, notamment à l'enterrement d'Émile Zola (l'un des plus beaux éloges de la littérature, et en cela sa présence est largement justifiée) et à l'inauguration de la statue d'Ernest Renan.
Les lycéens d'aujourd'hui auraient bien apprécié un tel leader. Oui, vraiment, drôle de polémique, d'autant qu'il a tout pour être aimé par la jeunesse actuelle car dans ses textes transparaît un humanisme souriant. Comme tous les grands, il s'est attaqué au roman de mœurs avec Le Lys rouge, aux forts accents autobiographiques, ce récit est le reflet de la liaison entre l'écrivain et madame de Cavaillet, c'est le livre de la passion et de la jalousie qui déchirent les deux amants. Il n'a pas pris une ride.
Comme Zola, Anatole France a également voulu raconter la société française. Il a entrepris une vaste fresque sociale en quatre volumes qui dit beaucoup de la France républicaine, celle de la IIIe.
Ringard, Anatole France? Durant l'affaire Dreyfus, il s'est engagé aux côtés de Zola, et a milité avec une conviction sans failles pour la révision du procès, il a milité pour la laïcité, il s'est opposé aux nationalistes. Il était passé maître dans l'art de la satire et de la fable. Il adorait le roman historique, et l'un de ses meilleurs titres est consacré à la Terreur, Les Dieux ont soif (publié une dizaine d’années avant sa mort), critiquant de manière acerbe tous les fanatismes, et Robespierre en premier lieu. Politiquement, il s'est rapproché des communistes. C'est un formidable styliste que l'Éducation nationale a bien eu raison de faire (re)découvrir.
Ma source: etudiant.lefigaro.fr
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